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Séminaire PhilBio -04- Stéphane Giraudier et Raphael Itzykson
"La vision biologique actuelle de l'émergence et de l'évolution des cancers hématopoïétiques repose depuis près de 20 ans sur l'existence de cellules souches cancéreuses, contreparties pathologiques des cellules souches hématopoïétiques normales. Or le concept de cellule souche repose sur deux qualités intrinsèques de ces cellules: la totipotence et la division asymétrique: une cellule pouvant s'auto-renouveler et donner naissance en même temps à une cellule fille plus "mature" que la cellule initiale.
Actuellement toutes les qualités des cellules souches sont débatues par les biologistes: la totipotence que l'on croyait pouvoir mimer via les cellules ES puis iPS, se heurte à une quasi impossibilité à faire maturer normalement des cellules dédifférenciées, et l'auto-renouvellement présupposé éternel en est restreint à la capacité de 4 mitoses identiques (au mieux) au cours de la vie. De façon paradoxale le concept de cellules souches persiste en biologie.
Parmi les questionnements sur les cellules souches, plusieurs théories encore aujourd'hui non totalement obsolètes ont rapidement été proposées permettant d'expliquer le devenir d'une cellule souche/totipotente/douée d'auto-renouvellement. Deux grandes théories persistent encore. La première, stochastique, repose sur un comportement lié soit à l'aléa (les cellules s'orientant vers telle ou telle lignée mature "au hasard”) soit à la prédétermination (La cellule souche "sachant" initialement quel devra être son avenir mature). Hasard ou prédétermination, pour cette théorie, seules les cellules adaptées à leur environnement survivent et la réponse au "besoin" en cellules matures n'est alors lié qu'à la sélection par l'environnement. La seconde théorie, déterministe, fait également appel à un rôle prépondérant de l'environnement cellulaire mais cette fois-ci comme environnement "éducatif" des cellules souches, l'environnement dictant alors le devenir de la cellule souche. La théorie stochastique a reçu étonnamment le plus grand succès théorique (et la théorie déterministe n'est presque plus enseignée actuellement) alors que d'un point de vue pratique, les grands progrès de l'hématologie reposent sur la théorie déterministe: c'est en effet de cette théorie que sont issues les découvertes des facteurs de croissance, actuellement largement utilisés en thérapeutique. En effet, les facteurs de croissance sécrétés principalement par l'environnement en réponse à un stress exercé sur les cellules matures "orientent" les cellules souches vers une lignée mature donnée permettant de réduire les temps d'absence de cellules matures indispensable à la survie lors des traitement par chimiothérapie par exemple.
Quoi qu'il en soit, les théories des cellules souches normales appliquées au développement des cancers hématologiques interrogent également sur le moment de survenue du cancer. Si la cellule tumorale est "souche", quand apparaît-elle? Préexiste t'elle au cancer? Est-elle "prédéterminée", ne pouvant donner naissance qu'à des cellules cancéreuses comme le laisse entendre les hématologistes? Quel rôle joue alors l'environnement dans son devenir?
Nous tacherons à l'aide des données de la littérature biologique sur les cellules tumorales hématologiques d'approcher ces questions et les questions nouvelles qu'ils soulèvent quant à l'existence/ la définition des cellules souches."