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Séminaire Probabilités, Décision, Incertitude : Nadine de Courtenay & Fabien Grégis
Le Guide pour l'expression de l'incertitude de mesure (GUM) : un terrain de discussion entre fréquentistes et bayésiens
Une maîtrise de tous les facteurs conceptuels et expérimentaux intervenant dans un processus de mesure étant impossible, aucun résultat de mesure ne peut être considéré comme complet s’il n’est accompagné de la mention de son incertitude. Seule l’évaluation quantitative de cette incertitude permet en effet de détacher un résultat de mesure du contexte expérimental particulier dans lequel il a été obtenu afin de le comparer à d’autres résultats, à des prédictions théoriques, ou encore à des spécifications techniques. Cependant, les décisions prises sur la base de ces mesures (accord ou désaccord, acceptation d’une hypothèse ou d’un produit industriel) ne peuvent avoir le même sens pour tous que si les incertitudes sur lesquelles elles se fondent sont définies, calculées et interprétées de la même manière.
Rédigé à l’initiative du Bureau international des poids et mesures (BIPM), le Guide pour l’expression de l’incertitude de mesure (GUM), publié en 1993, énonce un ensemble de règles générales qui vise à uniformiser l’évaluation des résultats de mesure et de leur incertitude associée sur des bases probabilistes. Les recommandations du GUM ont cependant très vite été critiquées pour leur inconsistance car elles conduisent à juxtaposer interprétations fréquentiste et bayesienne des probabilités. Une approche entièrement bayesienne de l’incertitude de mesure a été avancée afin d’éliminer ces inconsistances mais elle est loin de faire l’unanimité parmi les métrologues.
Après avoir exposé les différences majeures qui séparent les traitements fréquentiste et bayesien des incertitudes de mesure du point de vue de leur signification et de leur calcul, nous analyserons le retentissement du tournant épistémique du GUM sur certains concepts centraux de la théorie de la mesure (erreurs, grandeurs, valeur vraie, validité) et les questions philosophiques qui en découlent. Nous essayerons notamment de montrer comment les débats qui divisent les métrologues sur la meilleure façon de fixer les critères d’acceptabilité de nos énoncés théoriques et pratiques pourraient éclairer le développement de l’épistémologie sociale.